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(Quatorze heures vingt-cinq minutes)
Mme Dufour : Alors,
bonjour à tous. On est ici parce que le gouvernement s'est aplaventri devant
une entreprise américaine en lui donnant absolument, là, sur un plateau
d'argent tout ce qu'elle demandait, pour sauver 100 millions de dollars.
Et, pour sauver... pour que Stablex puisse sauver 100 millions de dollars,
bien, la CAQ a choisi la voie de la force pour adopter le projet de loi
n° 93.
La CAQ ne peut pas prétendre que les
oppositions ne collaborent pas. On n'a même pas commencé l'étude détaillée.
Donc, on va passer la nuit à discuter d'un projet de loi complètement insensé
pour forcer la ville de Blainville à céder un terrain de très haute valeur
écologique pour y enfouir des matières résiduelles dangereuses. On ne nie pas
qu'il y a un besoin, loin de là, mais il y a une alternative qui existe. Le
gouvernement avait prévu un terrain, il y a 40 ans déjà, pour
l'agrandissement de Stablex. Et la CMM, cette semaine, a retiré son règlement
de contrôle intérimaire pour milieux humides qu'il y avait sur le terrain. Il y
a donc plus de contraintes pour aller là.
Le gouvernement a dit, lui, il prétend
qu'il veut faire ça pour protéger l'environnement, mais en fait, c'est tout le
contraire qu'il fait. Il se base sur une étude incomplète qui a été faite pour
le compte de Stablex, il y avait... il y a eu des experts qui ont demandé une
étude indépendante, et je fais écho à cette demande. C'est ce que d'ailleurs le
gouvernement aurait dû faire pour avoir tous les faits avant d'autoriser la
destruction d'un milieu écologique d'une telle ampleur. Il refuse, en plus, ça,
c'est la cerise sur le sundae... il refuse de faire un portrait de la situation
des matières résiduelles dangereuses au Québec, comme le recommandait le BAPE
en 2023. Dans le fond, on est face à un gouvernement qui, malheureusement, préfère
jouer à l'autruche que voir la réalité. En fait, et là, je vais citer mon
collègue Pascal Bérubé, ce n'est pas la Coalition avenir Québec qu'on a devant
nous, mais bien la Coalition Avenir Stablex. Merci.
Mme Setlakwe : Bonjour.
J'ajouterais que c'est un jour sombre pour l'autonomie municipale aujourd'hui.
Ce n'est pas tant le pourquoi qui nous divise, parce qu'effectivement on
reconnaît qu'il est nécessaire d'enfouir de façon sécuritaire les matières
dangereuses, mais c'est vraiment le comment qui choque ici. Je prends un peu de
recul, puis je me dis : Ce n'est pas très édifiant ce qu'on s'apprête à
faire. En pleine nuit, là, le gouvernement va nous forcer à étudier de façon
accélérée, de façon précipitée, un projet de loi qui va permettre à
l'entreprise Stablex de rapidement détruire un milieu naturel, parce qu'il faut
que ça se fasse avant le 15 avril.
Moi, je me dis : Comment se fait-il
qu'on soit ainsi acculés au pied du mur? Quelle mauvaise planification de la
CAQ. Je pense que la CAQ a échoué à démontrer qu'on est devant des
circonstances exceptionnelles. Donc, non seulement on met de côté les règles
locales, on force la main à la municipalité de Blainville, on adopte ce projet
de loi sous bâillon, mais le gouvernement est en incohérence avec ses propres
politiques au niveau de l'aménagement du territoire. Donc, c'est un précédent
qui est dangereux. Puis, encore une fois, la CAQ n'a qu'elle-même à blâmer pour
son manque de planification dans ce dossier-là.
Journaliste
: Qu'est-ce...
Si vous ne croyez pas à l'argument de l'urgence d'agir, parce que c'est...
c'est ce qu'invoque le premier ministre lui-même, de dire qu'il y a 600 clients
qui, si on n'agrandit pas le site d'enfouissement, ne pourront plus envoyer
leurs matières dangereuses à cet endroit-là. Alors, si ce n'est pas vraiment ça
qui motive le gouvernement, qu'est-ce qui le motive?
Mme Dufour : Bien, je
pense qu'il s'est vendu aux arguments de l'entreprise. Le BAPE lui-même
estimait que le site actuel pouvait opérer jusqu'en 2030. Là, l'entreprise du
2027. Qu'est-ce qui s'est passé depuis... depuis ça? Le BAPE ne s'est pas basé
sur des estimés comme ça en a l'air, là. Ce sont les chiffres qui avaient été
fournis par Stablex. Et quand j'ai regardé, moi, les chiffres qui avaient été
fournis au BAPE par Stablex, je le répète, il y avait une portion de matière
américaine qui, supposément, a baissé. Donc, normalement, le volume devrait
être moindre. Mais là, ils disent : Non. Finalement, ça va plus vite. Donc,
le volume aurait augmenté, mais il y aurait moins de matières qui viendraient
des États-Unis? Ça ne cadre pas. Ça ne cadre pas, et ce n'est pas la première
fois non plus que Stablex dit que c'est minuit moins une, là. C'est arrivé il y
a un an aussi. Donc, qu'est-ce qui s'est passé? Pourquoi on a tardé autant pour
se rendre là? Tu sais, le gouvernement, là, s'il avait déjà cette intention-là,
il aurait pu déposer son projet de loi à l'automne dernier. La ville, ça fait
déjà deux ans qu'elle a signifié son intention de ne pas céder le terrain. Donc
là, on est deux ans plus tard puis on arrive en bâillon. C'est inacceptable.
Journaliste
: ...fait
tout ça pour sauver 100 millions de dollars à Stablex?
Mme Dufour : Bien, c'est
clairement une question économique. Ça, c'est évident, parce que le terrain est
disponible. Il y a un terrain qui existe. Il est disponible. La ville l'a
proposé, mais l'entreprise américaine a refusé. Et je dis bien l'entreprise
américaine. Parce qu'on nous a clairement dit que le Stablex Canada avait de l'ouverture
pour aller sur cet autre terrain. Donc, c'était viable. Mais l'entreprise
américaine, elle, a dit non. Si on investit, on va investir sur un plus grand
terrain pour opérer pendant plus d'années.
Journaliste
: Est-ce que
ça vous fait dire que, dans un contexte où le Canada est, certains pourraient
dire, attaqué frontalement par l'administration américaine, le gouvernement de
François Legault décide d'adopter un projet de loi pour se plier... à la
volonté d'une entreprise américaine?
Mme Dufour : Bien, moi,
je trouve ça désolant. Effectivement, c'est une situation inacceptable. On
devrait se tenir sur nos principes, nos valeurs. Et je pense, comme je disais,
le gouvernement avait identifié un terrain il y a très longtemps, mais là,
parce qu'une entreprise américaine dit non, nous on ne veut pas, soudainement,
on pile sur tout le monde, sur tous les principes démocratiques pour faire
plaisir à une entreprise américaine. Dans la situation actuelle, c'est encore
plus ironique, effectivement.
Journaliste
: Comment
vous comptez procéder pour les travaux qui vont avoir cours cette nuit? Est-ce
que, pour vous, il est possible d'en arriver à une entente pour, par exemple,
ne pas lire tous les articles?
Mme Dufour : Bien,
écoutez, il n'y a pas... Ce n'est pas un projet de loi qui est très volumineux
non plus, là, on n'est pas comme... Ce n'est pas comme le projet de loi n° 15,
là. Donc, je pense qu'il est possible, dans les cinq heures qui vont être
allouées, de l'étudier. Évidemment, le gouvernement ne nous a même pas donné l'occasion
de le faire dans un cadre régulier. Ça aurait été bien, je pense, qu'on le vive
dans un cadre régulier, mais nous, on l'a regardé. Il y a des amendements qu'on
a... on a estimé, mais surtout, ça va être surtout des questionnements qu'on va
avoir. Je pense que c'est possible de se rendre au bout, mais évidemment ça va
dépendre aussi, là, des réponses qu'on va avoir aussi.
Journaliste
: Quel
genre d'amendement vous allez proposer?
Mme Dufour : Non, je n'ai
pas dit qu'on proposerait des amendements. J'ai dit : On en a regardé. On
est encore en train de se faire une tête sur certains éléments, mais ça va être
surtout des questions qu'on va avoir.
Journaliste
: Est-ce
que... Bon, sachant que... Je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec le
projet de loi, là, mais le gouvernement fait un bâillon, puis il va l'adopter.
Est-ce qu'il y a des éléments où c'est possible, disons, de rendre ça moins
pire?
Mme Dufour : Bien...
Journaliste
: ...
Mme Dufour : Oui. Bien, il
y a un des éléments que... Il y a énormément d'éléments qui n'ont pas d'allure
dans ce projet de loi là, là, définitivement, mais il y a un élément, moi, qui...
qui me chicote beaucoup, c'est le prix, le prix qui a été établi. Puis ça, on
va en parler, là, plus tard, là, mais la... Je ne sais pas si je devrais tout
de suite donner mes... toutes les informations, mais...
Journaliste
: Oui, mais
tant qu'à...
Mme Dufour : Mais il y a
la valeur du terrain. Mais là, je ne peux pas le dire, là, on en parlera plus
en détail plus tard, mais il y avait une entente. La ville de Blainville avait
une entente avec Stablex, et dans cette entente-là, il y avait des redevances
qui étaient prévues. Mais ça, les redevances, ça a complètement disparu. Là,
là, Stablex n'aura plus à en donner au gouvernement. C'est juste un bail.
Alors, il y a une économie d'avantages, mais il y a une perte pour la ville de
Blainville. Donc, elle va non seulement perdre son terrain, mais perdre aussi
des revenus futurs qu'elle était supposée d'avoir si l'entente avait été...
avait été conclue, là, jusqu'au bout.
Journaliste
: ...je
veux dire, ils avaient juste à accepter une entente.
Mme Dufour : Oui, c'est
vrai. Mais le gouvernement qui force la main, lui, aurait pu aussi s'assurer
que l'entreprise paie au moins autant d'argent à Blainville.
Journaliste
: Est-ce
que vous pensez qu'il cherche à punir Blainville? Parce qu'on s'entend que le
gouvernement est assez dur envers la mairesse, là...
Mme Dufour : Ils ont été
très durs, très, très durs. Puis je pense...
Journaliste : M. Charette
avait dit qu'elle ne s'occupait pas de ses citoyens, quelque chose comme ça.
Mme Dufour : Oui, ce qui
était totalement, totalement faux. Pour être allée sur le terrain, pour avoir
vu aller la mairesse, mais je connais aussi plusieurs conseillers municipaux,
on est à des années-lumière de ça. Donc, c'est... c'était... c'était totalement
injuste de la part du ministre d'affirmer ça. Je pense qu'il y avait peut-être
une guerre psychologique qu'il tentait de faire. Mais la réalité, c'est qu'on
est face à un gouvernement qui décide de passer par-dessus tout le monde, incluant
la volonté, ma collègue l'a bien dit, là, la volonté municipale qui a été élue,
là, proprement, là, par ses citoyens, là. Il y a des élections en octobre, en
novembre, au municipal, si ce n'est pas la volonté des citoyens, bien, ils vont
le faire valoir à l'automne prochain. Mais la ville est dans son droit de
dire : Voici ma planification où l'agrandissement devrait aller. Puis là,
on lui force la main. C'est... C'est inacceptable.
Journaliste : Comment vous
expliquez qu'on y aille quand même avec un bâillon, même s'il y a... il y a une
proposition de compromis qui a été faite par la CMM et la ville de Blainville?
Mme Dufour : Je vais répéter
que le gouvernement s'est aplaventri devant l'entreprise malheureusement.
L'entreprise a dit : Non, moi, je veux opérer pour plus longtemps, faire
plus d'argent au détriment des autres.
Journaliste : ...un règlement
qui a été adopté hier par la CMM?
Mme Dufour : Oui.
Journaliste : Puis là,
aujourd'hui, malgré tout, on va de l'avant. C'est un peu... C'est le sens de ma
question.
Mme Dufour : Bien, je vais
même rajouter, on a eu une semaine de consultations, où la... presque tout le
monde est venu dire que ce n'était pas un bon projet de loi. Le gouvernement
n'a pas changé d'idée non plus.
Journaliste : Est-ce que...
Comment je pourrais formuler ça? Le gouvernement, bon, dépose son projet de
loi. Ça va être adopté. Québec solidaire a... leur hypothèse, c'est que le
gouvernement a peur que Stablex ferme, là. Puis d'ailleurs, en commission
parlementaire, le P.D.G. a dit : Bien, qu'ils n'investiront pas sur le
terrain du gouvernement, donc il dit, bien, grosso modo, qu'en 2027 ils vont
plier bagage. Donc, l'hypothèse de Québec solidaire, c'est qu'ils ont... le
gouvernement peur qu'il ferme parce que là, il va être obligé de gérer après ça
le site puis le lixiviat puis l'entretenir. Mais là, on fait quoi pour le
futur? Est-ce qu'il y a des provisions dans le projet de loi pour l'espèce
de... comment on appelle ça, donc?
Mme Dufour : Des garanties?
Journaliste : Oui, les
garanties, l'entretien, etc., est-ce que c'est suffisant pour ne pas qu'on se
ramasse... Parce que là, bon, c'est... c'est pour 60 ans ou 40 ans,
je ne me souviens pas le...
Mme Dufour : Oui. Jusqu'en
2065.
Journaliste : Bon. Pour
s'assurer qu'en 2065, là, on ne se retrouve pas dans la situation où Stablex va
dire : Bon, bien, nous autres, on s'en va gérer... gérer ce site-là, puis
ça va coûter des centaines de millions au Trésor public. Est-ce que c'est
suffisant, ce que...
Mme Dufour : Bien, il y a
effectivement une intention de mettre en place des garanties postfermeture
supplémentaires, mais elles ne sont pas précisées dans le projet de loi. Donc,
ça, ça va faire partie des questions qu'on va avoir. Mais, vous savez, il y a
eu un cas notoire au Québec, les lagunes de Mercier. L'entreprise, quand est
venu le temps malheureusement de constater qu'il y avait une trop grande
contamination, l'entreprise a plié bagage, fait... a fait faillite, la
version... l'entreprise locale. Est-ce que c'est un risque? Oui.
D'ailleurs, on a eu des échanges avec les
équipes de la ministre, du ministre de l'Environnement, puis un des
fonctionnaires nous a dit : Bien, on craint, ils nous on dit ça,
exactement, qu'on craint qu'ils ferment, mais il nous a dit : En mesure de
représailles face aux tarifs. Et là, mon questionnement, c'est : Est-ce
qu'on est en train de faire tout ça, accélérer tout ça, détruire un milieu
naturel, puis qu'au bout du compte, ils décident de plier bagage et s'en aller
pas et ne pas opérer dans deux ans? Tu sais, il n'y a pas, dans le projet de
loi, une obligation non plus d'opérer, là. Donc, c'est... c'est très
inquiétant, effectivement.
Rendus là, je pense que ce serait plus
sécuritaire pour tout le monde de faire au moins l'agrandissement sur le
terrain qui était prévu. Et là, par la suite, bien, de voir à se faire une tête
pour le futur. Parce qu'il faut aussi se poser la question. Ça fait...
L'Angleterre, la France, le Japon ont interdit ce procédé-là. Il faudrait bien
le regarder de notre côté, est-ce qu'il y a des alternatives. Ils en ont
là-bas. Ça fait que sûrement que nous aussi, on pourrait les développer, pas à
court terme, ça prend un certain moment, mais disons, sur l'autre terrain, ils
auraient 24 ans qu'ils pourraient opérer. Je pense, ça laisse assez de
temps pour faire cet exercice-là et trouver des alternatives. Merci.
(Fin à 14 h 38)